pharmaceutiques nationaux
L’influence du droit communautaire sur la régulation des systèmes pharmaceutiques va dépendre du moyen d’intégration juridique choisi. C’est également le moyen d’intégration qui va permettre d’évaluer le pouvoir de contrôle des États sur la gouvernance des systèmes pharmaceutiques nationaux. Plusieurs moyens d’intégrations juridiques existent : l’harmonisation, l’unification et l’uniformisation. Ils ne doivent pas être utilisés comme des synonymes (Fetze, 2009). Ces confusions entrainent des conséquences sur la continuité d’un processus d’intégration juridique et sur son évaluation. L’unification et l’uniformisation sont généralement considérées comme deux notions synonymes. Il existe pourtant une différence notable entre les deux notions. « L’unification s’entend de la substitution à des droits formellement distincts ou à un
corps de règles de droit distinct d’un droit unique ou d’un corps unique de dispositions »
(Jeammaud, 1998). Ce qui implique que dans l’unification les règles sont uniques et s’appliquent de la même manière dans tous les États concernés sans pour autant devenir des droits nationaux. Les règles sont identiques et appartiennent à un droit commun unique (Delmas-Marty, 2003). Ces règles unifiées n’ont pas en principe besoin d’être incorporées aux droits nationaux, donc d’être naturalisées comme dans le cas d’une uniformisation (Jeammaud, 1998). Les règles se substituent directement aux règles nationales des États. C’est l’exemple des Actes uniformes OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui ne deviennent pas des règles juridiques nationales, par exemple burkinabé, sénégalaises ou béninoises, mais qui sont directement prises en compte telles qu’elles sont dans le droit interne de chaque État membre. On parle alors d’acte uniforme OHADA sur le droit commercial, d’acte uniforme OHADA sur le droit des suretés, etc.35 Avec ce moyen d’intégration juridique, l’État ne
dispose pas de moyens de contrôle sur le droit communautaire pharmaceutique unifié. Au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO, les réglementations pharmaceutiques n’ont pas encore fait l’objet d’une unification conduisant à une inertie totale ou partielle de l’État dans le domaine. L’incorporation dans des droits nationaux de règles identiques est le but poursuivi par une intégration qui emprunte la voie de l’uniformisation. Les règles ainsi incorporées deviennent identiques dans tous les droits nationaux concernés. Les règles uniformes peuvent ainsi se « substituer totalement aux dispositions nationales
d’origines » (Jeammaud, 1998, p. 41). Par contre, le choix de la méthode d’uniformisation
requiert une naturalisation de la loi uniforme ou de la convention portant loi-uniforme. Avec cette méthode d’uniformisation, les règles deviennent identiques et non uniques. Ainsi on parlera de règles de droit burkinabés, sénégalais, béninois, etc. Le pouvoir de contrôle dont l’État dispose dans la gouvernance de ces systèmes pharmaceutiques n’est donc pas réduit à néant. En effet, cette naturalisation nécessite une relecture, voire une réappropriation de la loi par les parlementaires de l’État concerné. Ce qui pourrait
vraisemblablement conduire à une modification de la loi uniforme. Plus proches dans leur conception, l’unification et l’uniformisation se distinguent fortement de l’harmonisation. Cette dernière s’avère être un moyen d’intégration beaucoup plus souple. Ainsi, l’intégration par la voie de l’harmonisation permet d’appliquer des principes directeurs communs sans que cela soit uniforme. Mireille DELMAS-MARTY (2006) affirme que « c’est sans doute dans l’entre-deux, entre l’impossible isolement et l’impossible
codification qu’il faut situer le mouvement d’harmonisation » (p. 71). Harmoniser des
normes, c’est rechercher à ce que ces normes produisent des « effets similaires dans leurs
applications » (Vander Elst, 1976, p. 6). La recherche de tels résultats implique une
modification du contenu des normes. Dans le domaine pharmaceutique et de la santé, le recours à l’harmonisation comme moyen d’intégration est généralement privilégié. Tel est le cas au sein de l’UEMOA, de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale), de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, etc. L’UEMOA a donc adopté en 2005, un règlement relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans ses États membres36. Xavier CRESPIN, Directeur Général de
l’Organisation Ouest Africaine de la Santé de 2014 à 2018, affirmait également que l’objectif majeur de la CEDEAO est de mettre en place un secteur pharmaceutique harmonisé et performant37.
L’harmonisation sur le plan politique est plus réaliste et plus facilement acceptée par les États. Sur le plan juridique, c’est une technique d’intégration qui est difficile à réaliser, car il faut concilier la marge d’appréciation des États ainsi que le rapprochement des réglementations sur la base de principes communs. La marge d’appréciation dont disposent les États dans le cadre d’un tel processus leur permet de conserver leur liberté et leur souveraineté sur certains aspects du droit harmonisé. C’est l’existence de cette marge d’appréciation qui justifie le choix de la méthode d’harmonisation comme méthode d’intégration juridique utilisée par les organisations sous-régionales ouest-africaines en droit pharmaceutique.
36 Dans ce cadre un certain nombre de textes communautaires ont été adoptés. Ils influencent aujourd’hui le fonctionnement du système pharmaceutique de chacun des États membres : Règlement n°02/2005/cm/UEMOA relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les États membres de l'UEMOA ; Directive N°06/2008/CM/UEMOA du 26/06/2008 relative à la libre circulation et à l’établissement des pharmaciens ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA ; Règlement N°06/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les États membres de l’UEMOA ; Décision N°08/2010/CMUEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les États membres de l’UEMOA ; Décision N°09/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les États membres de l’UEMOA ; Décision N°10/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les États membres de l’UEMOA. 37 Au niveau de la CEDEAO, le curriculum de formation des docteurs en pharmacie a fait
l’objet d’une harmonisation dans l’espace communautaire. Un projet de code de déontologie harmonisé de l’exercice des pharmaciens dans l’espace CEDEAO est également en cours depuis 2011. Se référer au Plan pharmaceutique régional de la CEDEAO (PPRC) 2014 - 2020, April 2014, p. 5 :
http://www.wahooas.org/IMG/pdf/plan_pharmaceutique_CEDEAO_French.pdf, consulté en
Conclusion
De nos jours, il est de plus en plus rare que l’État contrôle le fonctionnement de son système pharmaceutique sans une influence sous-régionale, régionale, voire internationale. L’influence du droit communautaire pharmaceutique sur le fonctionnement des systèmes pharmaceutiques nationaux est nécessaire et permettra aux États n’ayant pas une réglementation efficace et rigoureuse en la matière d’améliorer leur système pharmaceutique. La sécurité sanitaire devient ainsi un objectif sous-régional, et pas seulement étatique.
Références
DELMAS-MARTY Mireille, 2003, Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience
contemporaine, Paris, Société de législation comparée.
DELMAS-MARTY Mireille, 2006, Les forces imaginantes du droit (II)-Le plura-
lisme ordonné, Paris, Seuil.
FETZE KAMDEM Innocent, 2009, Harmonisation, unification et uniformisation.
Plaidoyer pour une décision affiné sur les moyens d’intégration juridique, Mont-
réal, Revue Juridique Thémis.
JEAMMAUD Antoine, 1998, Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi
s’agit-il ? Bruxelles, Bruylant.
JOURDAIN-FORTIER Clotilde, 2006, Santé et commerce international, Paris, LexisNexis.
MAUGER Florian, 2013, Les pouvoirs implicites en droit administratifs, Paris, Université Panthéon-Assas. École doctorale Georges Vedel.
MEYER Pierre, IBRIGA Luc Marius, 2000, La place du droit communautaire
U.E.M.O.A dans le droit interne des États membres, Revue Burkinabè de Droit,
Ouagadougou, Presses Universitaires de Ouagadougou.
VANDER ELST Raymond, 1976, Les notions de coordinations, d’harmonisation, de
rapprochement et d’unification du droit dans la cadre juridique de la communauté économique européenne, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles.
“AIDS is everyone’s business”: Pharmaceuticals,
international power plays, TRIPS, and the Fast-Track
Watson Sharon E.
University of South Florida
In questioning the current stakes of pharmaceuticals in Africa, this paper discusses the background of the TRIPS agreement in relation to essential medicines and the HIV Fast-Track strategy. Through text-analysis of policy reports and press releases, we investi- gate how these documents reflect international power plays and the treatment of the HIV crisis as a financial opportunity for economic growth.